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lundi 24 avril 2017

20 ans avec mon chat - Inaba Mayumi

Voilà un livre dont j'avais repéré la superbe couverture en magasin, mais que j'ai finalement acheté en version numérique, profitant de l'offre des 30 ans des éditions Picquier. Quand on n'a plus la place...
couverture française que je préfère à l'originale

Le titre original " Mî no inai asa" signifie à peu près "le matin sans Mî" ou les matins... ce n'est pas tout à fait la même intention en VO.
l'originale, moins... originale, mais avec probablement la photo de l'authentique Mî, trouvée sur le site officiel de l'auteur. Même si elle n'est plus de ce monde depuis 3 ans, le site est toujours accessible.

Tout commence en 1977 (l'année de ma naissance tiens!), lorsque Mme Inaba trouve par hasard un chaton abandonné, miaulant comme un perdu au sommet d'un grillage de collège, probablement qu'un collégien stupide l'aura accroché là pour s'amuser. Mme Inaba le sauve, ou plutôt la sauve: c'est une petite chatte, et ses miaulements forcenés lui valent très vite le nom de Miiiiiii, abrégé en Mî.
L'arrive impromptue du petit animal chez elle va chambouler sa vie. Déjà, sur un plan pratique, car lorsqu'elle et son mari doivent déménager, les choses sont compliquées: à cette époque ( et même récemment encore, je crois savoir), énormément de logeurs refusent les locataires avec animaux, afin d'éviter tout désagrément ou frictions avec les voisins surtout.
Et pourtant un chat ne prend pas beaucoup de place, en tout cas moins qu'un gros chien, mais le fait est là: trouver un logement dans ces conditions était loin d'être acquis. C'est peut-être là une raison de l'engouement pour les cafés à chats ( et plus récemment à lapins/ hiboux/ écureuils..) au Japon: la difficulté d'avoir un animal de compagnie à cause des règlements, de l'exiguité des logements et des horaires de travail...
Par la suite, Mî va s'avérer un précieux réconfort pour sa maîtresse, lorsqu'elle aura des difficultés, perdra son emploi, se séparera de son mari... Toutes choses qui paraîtrons évidentes à quiconque a ou a eu un jour un animal de compagnie.

Donc voilà, essentiellement, un récit au jour le jour de la vie quotidienne d'une dame et de son chat. L'écrivaine, dont c'est à l'heure actuelle le seul livre traduit, est aussi poète. La journée elle occupe un emploi alimentaire, ce n'est que le soir et la nuit qu'elle peut se livrer à sa passion pour l'écriture, avec la compagnie discrète de son chat, ce qui fait que les deux nouent une véritable relation d'amitié. On ne saura pas ce qu'elle écrit sur le moment, peut être le roman qu'on est en train de lire, peut être autre chose, un poème inspiré par Mî comme ceux qui ferment les chapitres du texte. Car outre l'histoire du chat et de sa maîtresse, c'est aussi le portrait d'une dame qui  peu à peu s'accepte telle qu'elle est : différente dans le Japon des années 70/80. Dès le départ, elle était différente, refusant d'arrêter de travailler, contrairement aux conventions sociales, à partir de son mariage. Le chômage dû à la au choc pétrolier de 1978 et à la récession qui s'ensuit - même si le Japon n'a pas autant été touché que d'autres pays industrialisés -est en fait pour elle un déclencheur et un moteur: le fait de se retrouver sans rien à faire , à la maison pendant que son mari travaille, ça n'est pas son truc. Et c'est l'occasion pour elle de renouer avec sa passion de toujours pour l'écriture, de trouver un travail à mi-temps chez un éditeur, ce qui lui correspond plus, utiliser se passage à vide pour envisager une vraie profession littéraire, ce qui s'avère possible lorsqu'elle gagne un prix littéraire, lui permettant de commencer à se faire éditer.. Et peu à peu arrive ce qui doit arriver, sans heurt, sans dispute: le mari est muté à Ôsaka, mais sa femme ne veut pas le suivre, trop attachée à sa nouvelle vie, à son nouveau travail, et à la ville de Tôkyô qu'elle célèbre beaucoup dans ses pages, de la maison avec jardin en banlieue à Kokubunji, où le chat peut se promener à sa ville, à l'appartement de Shinagawa (quartier portuaire sur la baie de Tôkyô), malheureusement privé d'espace libre pour Mî, dans lequel elle emménage après son divorce.

Dans cet immeuble anonyme et sans charme, elle va pourtant trouver une solution pour que Mî puisse faire un peu d'exercice, la laissant déambuler dans le couloir. La chatte en prend l'habitude, pendant que sa maîtresse écrit ... jusqu'au jour où elle se perd, hasard plutôt heureux, puisqu'il permet à Mme Inaba, solitaire, artiste et divorcée, de faire connaissance de ses voisins, surtout de sa voisine du dessus qu'elle n'avait jamais rencontrée, une autre dame célibataire et artiste peintre. Puis d'autres voisins qui nourrissent à tour de rôle un chat abandonné au pied de l'immeuble, probablement celui d'un ancien locataire qui n'a pu l'emmener en partant pour la raison évoquée plus haut. D'après les annonces immobilières, il est plus facile de se loger quand on joue d'un instrument de musique qu'avec un simple chat...

Bon comme on s'en doute au titre, ça ne finira pas bien. Les chats ne sont pas immortels, 20 ans avec un chat c'est long, si on prend en compte son espérance de vie, surtout en ayant commencé accrochée à un grillage, mais aussi court à l'échelle humaine, et l'issue ne fait aucun doute quand Mî vieillissante commence à tomber de plus en plus souvent malade.
En parallèle à sa décrépitude, c'est une ville mouvante, en perpétuel changement que nous montre mme Inaba ( on est alors en pleine bulle spéculative, après la récession, la croissance est galopante, les constructions toujours plus hautes et plus nombreuses... la bulle ne tardera pas à crever d'ailleurs).

Pas besoin d'aimer les chats pour le lire, par contre si vous les détestez, c'est mal parti. Mais un livre qui parlera à tout ami des animaux, quels qu'ils soient, et aux amateurs de tranche de vie, c'est intéressant de voir l'auteur qui évolue ( elle écrit ce récit dans les années 90, donc avec un retour sur les années 70), presque sans s'en rendre compte, comme si elle l'écrivait au fil du temps qui passe.On parle surtout de la jeunesse, puis de le vieillesse du chat, les années centrales de sa vie, en tant que chat d'appartement qui ne fait plus de découvertes et doit probablement s'ennuyer de l'herbe et des arbres, sont logiquement occultées par la découverte de soi de l'auteur, et de la ville qui l'entoure.
Un lecture plaisante, pas la meilleure que j'ai faite, mais qui change agréable de mes habitudes avec son alternance de prose et de poèmes ( je n'ai aucune idée de la formule qu'elle emploie en VO. Probablement pas du Haïku, les textes sont trop longs. A moins qu'il ne s'agisse de vers libres, je suis curieuse de le savoir, tiens)


Nous avons décidé de mettre chaque semaine une ville en avant, et bien sûr nous commençons par Tôkyô. Et bien que la ville n'apparaisse pas dans le titre, elle est un personnage important de cette histoire, que Inaba-san décrit et célèbre tout au long de ces pages. 20 ans avec mon chat est donc ma participation tokyoïte.

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